La scène. Roncevaux étant incontestablement le lieu de la bataille, il reste à se faire une idée du terrain lui-même. On sait qu'il existe deux routes pour traverser les Pyrénées depuis Roncevaux : l'une qui descend par les cols étroits vers Valcarlos, et l'autre qui gravit les sommets pour ensuite redescendre vers le pays de Cize. La question de savoir si la bataille s'est déroulée à l'un ou l'autre col, ou aux deux, a fait débat. En réalité, tandis que les forces avancées de Charles, avec son chef, avaient suivi la haute route, la voie romaine, qui, par le col de Lepoeder, mène à Bentartea et descend jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port, le gros de l'armée, avec ses principaux commandants, fut repoussé vers le ravin d'Arraosin, près de l'actuelle collégiale. La Chanson de Roland est plus renseignée sur le cadre que sur la scène. Il lui arrive un sort semblable à celui qui arrive généralement aux romanciers qui visitent un lieu au préalable afin d'en tisser ensuite les contours. Cela a dû arriver à l'auteur original de la Chanson. L'Oxford Roland mentionne trois fois le Porz de Sizer, que certains historiens modernes ont voulu placer à Siresa (Huesca), mais qui est, sans aucun doute, le port de Cisa que les Latins appellent Portus Sicera-Sizer-C sera et les Arabes Bort-Jezar ou Schezar. Le même Guide du pèlerin, inclus dans le Liber Sancti Jacobi ou C dit Calixtinus de Saint-Jacques-de-Compostelle, parle des ports de C sera au pied desquels se trouve la ville de Saint-Michel : a portibus Cisereis... a villa Sancti Michalelis que est in pede portum Cisere. (Liber Sancti Jacobi, Edic. Whitehill, 1944, p. 350, comp. 356 et 357), aux cols de Cize... du village de Saint-Michel, qui est au pied des cols de Cize. Ces cols de Cize constituent le point culminant de la voie romaine. En venant de France, la route monte doucement jusqu'au col de Lepoeder (1 400 m), puis descend le long de la forêt d'Astorbizkar, vers le versant sud, jusqu'au col d'Iba eta (1 075 m). Les routes qui gravissent ces cols sont une ancienne voie militaire et une voie romaine, également appelée voie napoléonienne car elle fut réparée en 1813 pour permettre le passage de l'artillerie du général Soult. La vallée constituait un véritable piège : in subiectam vallem. Le point de départ des deux routes devait être le centre du premier affrontement. La bataille se serait étendue de Lepoeder à Iba eta, et peut-être au-delà. Avant Iba eta, entre Auritz (Burguete) et Orreaga (Roncevaux), s'étend une plaine d'environ 900 m d'altitude et d'environ 5 km de diamètre. Elle porte à juste titre le nom d'Erro-zabal, la plaine d'Erro, du fait de la vallée qui s'étend du nord au sud. C'est un endroit magnifique au paysage bucolique sillonné de ruisseaux qui coulent entre de petites hêtraies et des chênes, avec des clairières de prairies aux formes fantaisistes. L'ancienne voie romaine traverse la plaine avant d'entamer la montée vers Iba eta (1 062 m), située sur la ligne de partage des eaux atlantique-méditerranéenne, et le col de Lepoeder (1 459 m). C'est également la route des pèlerins médiévaux vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Dans cette plaine, à Auritz, se trouvait l'hôpital des pèlerins offert par le comte d'Erro à Conques entre 1101 et 1104, selon un acte conservé aux archives de la Collégiale. À l'endroit où se trouve Roncevaux, un autre hôpital fut établi vers 1132, qui devint une auberge pour les pèlerins. La célèbre collégiale fut fondée à cet endroit stratégique en 1200. C'est le point critique d'où l'on accède rapidement à Ibaeta. La bataille commença au sommet des Vascons : in cuyus summitate Wascones insidiis… (Nouvelle Ann. Regii).