Politiques et Fonctions Publiques

Lancre, Pierre de

Magistrat de Bordels né en 1553 et décédé en 1631.

Son grand-père Bernard de Rosteguy, riche vigneron né à Juxue, s'était établi à Saint-Macaire (Gironde) en 1510. Son père, en achetant la charge de conseiller-notaire et secrétaire de la maison et de la couronne du roi de France, devint seigneur de Lancre, perdant son patronyme d'origine. Pierre fréquenta le collège des Jésuites, reçut son doctorat en droit en 1576 et compléta ses études juridico-théologiques en Italie (Turin) et en Bohême. De retour en Gironde et grâce à sa connaissance de l'italien, il fut nommé précepteur de Pierre de Médicis et en 1582 conseiller au parlement de Bordeaux. Il revient en Italie pour participer au Jubilé de 1600 à Rome.

En mai 1609, Henri IV l'envoya à Laburdi pour mener une enquête sur la sorcellerie locale. A cette époque il avait déjà publié (Paris, 1607) un Tableau de l'inconstance et de l'instabilité de toutes choses, ou il est démontré qu'en Dieu seul se trouve la véritable constance que le sage doit voir . À Laburdi, il procéda imprégné de toutes sortes d'interprétations satanistes, soutenu par son compagnon d'alors, le président Espaignet, et jouissant de pleins pouvoirs sur toutes les autorités locales. Pendant quatre mois, Lancre brûlera sur le bûcher près de 60 personnes de tous horizons. Le fruit de ses lectures et de cette expérience est le célèbre Tableau de l'inconstance des mauvais anges et d'mons ou il est amplement trait des sorciers et de la sorcellerie (Paris, 1612), dans lequel Rosteguy pontifie sur les mauvais penchants laburdins, la perversité intrinsèque des femmes, la préparation du sabbat, les poisons, le chant du coq, le pacte démonologique, les fêtes et les fêtes, les danses, les rapports avec le diable, la lycanthropie, les pratiques de guérison, les apparitions, l'acte de foi de Logroño ou de 1610, les prêtres-sorciers, la messe noire, les considérations juridiques, etc. Le dernier chapitre s'intitule de manière significative : « Quels sorciers doivent mourir (bien qu'ils n'aient pas la volonté de Dieu) pour que vous puissiez simplement être en sabbat, pactiser avec le diable et écouter tout ce que font habituellement les autres sorciers. »

Deux ans plus tard, il devient conseiller du roi, conservant son poste au parlement de Bordeaux jusqu'en 1616. En 1620, sa maison au bord de la Garonne à Santa Cruz de Monte (Cadillac) fut visitée par le roi et ses jardins devinrent notamment un lieu de pèlerinage, où Lancre demeura jusqu'à sa mort en 1631, après avoir publié deux autres livres : Le Livre des princes (Paris, 1617) et L'incroyable dulit et la m'créance du sortilège pleinement convaincu (Paris, 1622).

En 1982, les éditions Aubier Montaigne à Paris rééditent son œuvre majeure en la dotant d'un magnifique prologue de Nicole Jacques Chaquin. Cela a pu interpréter le rôle idéologique de Lancre dans cette zone du Pays Basque :

"Représentant du roi dans une région troublée, De Lancre met l'accent sur les désordres causés par un amour de la liberté préjudiciable au bon fonctionnement du pouvoir central, et reprend le grand mythe de la sorcellerie comme fléau social. Vivant à une époque de nombreux désaccords avec l'Espagne - la mission confiée à Espagnet, dont Lancre parle longuement au début du Tableau, en témoigne -, il se montrera extrêmement sensible aux troubles que pourraient susciter ces querelles de frontières et aux effets contaminants de la civilisation espagnole sur le Pays basque français. Enfin, issu de la noblesse bourgeoise et commerçante bordelaise, Lancre fera preuve d'une incompréhension des habitudes sociales et économiques des Laburdi ruraux, qui lui procureront un effet d'étrangeté qu'il attribuera "naturellement" au diabolique."